Le Grubenhund. Arthur Schütz, Karl Kraus, Bouveresse

Une introduction au Grubenhund par Jacques Bouveresse 

Le Gruhenhund est un type de canular utilisé par Karl Kraus aux dépens de la Neue Freie Presse, influent journal autrichien, fondé en 1871 et publié jusqu’en 1939. Jacques Bouveresse en expose le principe.

Utilisation et fonction du Grubenhund

Au nombre des procédés satiriques que Kraus avait utilisés à l’occasion, figure la technique qui est passée dans le vocabulaire sous le nom de Grubenhund et qui constitue en quelque sorte le symétrique de celui de la citation qui tue. Au lieu de citer des passages dans lesquels un journal se ridiculise, on lui envoie et on le persuade de publier des choses qui, pour tous les gens informés, sont grotesques, mais dont le ridicule lui échappe totalement. Kraus, qui était le véritable inventeur du procédé, l’a toujours défendu dans son principe, comme une réaction de légitime défense du lecteur contre les usurpations d’autorité et de compétence de la presse.
  Jacques Bouveresse, Schmock ou le triomphe du journalisme, Seuil, coll. « Liber », 2001, page 18.

Le Grubenhund

Le mot [Grubenhund] vient d’un canular fameux qui avait été commis par Arthur Schütz, qui était un grand lecteur de la Fackel et un admirateur de Kraus, aux dépens de la Neue Freie Presse. Le Grubenhund (« chien de mine »), auquel fut ajouté un peu plus tard un autre animal bizarre, la Laufkatze (en fait, une sorte de treuil roulant), n’était originairement rien d’autre qu’un petit wagonnet utilisé dans les mines, qui, en se déplaçant sur ses rails, produisait un bruit qui ressemblait un peu aux aboiements d’un chien. Mais, à l’occasion d’un léger tremblement de terre, Schütz avait réussi, en novembre 1911, à faire accepter par la Neue Freie Presse un article pseudo-technique et pseudo-savant, truffé d’absurdités, dans lequel il écrivait notamment que, quelques instants avant l’événement, son chien de mine, qui dormait dans le laboratoire, avait commencé à donner des signes d’inquiétude. Kraus, qui s’est empressé de reproduire dans la Fackel, en novembre 1911, le texte de la lettre de Schütz, souligne que son canular, qui est dû à un véritable expert en matière scientifique, ne ridiculise pas seulement la prétention journalistique, mais également la science elle-même ou, en tout cas, le ton qu’elle utilise pour en imposer aux profanes (…).
Kraus lui-même avait déjà mystifié antérieurement la Neue Freie Presse, en 1908, à propos d’un autre petit tremblement de terre, qui s’était produit à Vienne, en lui envoyant une lettre du même style, signée du nom d’un pseudo-expert, « l’ingénieur civil J. Berdach », dans laquelle il distinguait notamment entre les « tremblements de terre telluriques » et les « tremblements de terre cosmiques ». Le texte avait été publié par le journal, avec quelques modifications qui montraient à quel point il avait été pris au sérieux, ce qui amena Kraus à remarquer avec jubilation, dans la _Fackel, _que la Neue Freie Presse, qui l’ignorait comme satiriste, ne le reconnaissait que comme géologue. […]
Le récent canular de Sokal (voir Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Paris, Odile Jacob, 2e éd. 1997), dont la victime n’était pas un quotidien, mais bel et bien une revue savante, montre à quel point la pratique du Grubenhund mériterait aujourd’hui d’être relancée et offre aux amateurs éventuels des perspectives qui sont proprement fascinantes.

Jacques Bouveresse, Schmock ou le triomphe du journalisme. La grande bataille de Karl Kraus, Seuil (2001), coll. « Liber », note 89, page 288.


À l’origine du Grubenhund

Comme l’indique Bouveresse, le terme « Grubenhund » tire son origine d’un canular de l’ingénieur viennois Arthur Schütz (grand lecteur de Die Fackel, le journal publié par Kraus). Tout commence avec un groupe d’amis ingénieurs réunis pour déjeuner au Grand Hôtel de Vienne le 17 novembre 1911. La conversation tourne autour des dernières nouvelles, et en particulier un article de la Neue Freie Presse qui transforme un petit tremblement de terre en séisme terrifiant, témoignages sensationnels à l’appui.

Arthur Schütz passablement énervé par l’impudence (coutumière) du journal de référence de la bourgeoisie viennoise (un peu comme Le Monde pour la France), se propose d’envoyer un pseudo-rapport d’ingénieur au journal. Son hypothèse est qu’il est possible d’y publier à peu près n’importe quoi dès lors que le texte « correspond aux schémas de pensée bien connus du public et à la mentalité du journal », et qu’il est « éblouissant sous une apparence scientifique et signé d’un nom qui sonne bien ». Schütz projette donc de faire ce qu’en sciences sociales on appellerait une expérience de terrain, il ne sera pas déçu. Il rédige un texte qu’il fait aussitôt porter à la rédaction du journal. Et dès le lendemain (le 18 novembre 1911 donc) la Neue Freie Presse publie l’article d’un certain « Dr-Ing. Erich R. von Winkler » de « l’Institut central de recherche des Mines de charbon d’Ostrau-Karwin ».

L’article de la Neue Freie Presse du 18 novembre 1911

Les effets du tremblement de terre dans le bassin houiller d’Ostrava. [ma traduction] 1
Nous recevons la lettre suivante du Dr. Ing. Erich R. v. Winkler, assistant à l’Institut central de recherche des Mines de charbon d’Ostrau-Karwin :

Permettez-moi d’attirer votre attention sur une observation que, grâce à un heureux hasard, j’ai pu faire hier soir et qui, par sa publication dans votre journal très apprécié, devrait également attirer l’attention de la part de tous les milieux techniques, notamment miniers, même en dehors de notre pays.
Comme je devais partir hier soir pour Vienne par le train de nuit, j’ai profité de cette heure tardive pour effectuer quelques travaux urgents dans notre institut de recherche. J’étais assis seul dans la salle des compresseurs quand, à 22h27 très exactement, le gros compresseur de 400 chevaux qui alimente le moteur électrique du surchauffeur à vapeur a commencé à présenter une notable variation de tension. Comme ce phénomène est souvent lié à des perturbations sismiques, j’ai immédiatement débrayé le régulateur centrifuge et, outre deux poussées longitudinales nettement perceptibles, j’ai constaté une violente déviation (0,4 pour cent) sur la rainure de la clavette droite. Après environ 55 secondes, une poussée beaucoup plus violente s’est produite, provoquant le déplacement du cylindre haute pression de la dynamo, au point que la tension dans le transformateur est tombée à 4,7 atmosphères, ce qui a provoqué la chute de deux ailettes de la turbine Parson* et qui présentaient de si fortes déformations qu’il a fallu immédiatement les remplacer par des bagues de réglage.
Comme chez nous toutes les conduites d’échappement convergent ensemble vers le récepteur du moteur, un accident imprévu aurait pu facilement se produire, et les pompes d’alimentation des puits environnants se seraient arrêtées. Mais ce qui est totalement inexplicable, c’est le fait que mon chien [Grubenhund], qui dormait dans le laboratoire, donnait déjà signes visibles de grande agitation une demi-heure avant le début du tremblement de terre. Je me permets de suggérer à cette occasion si, dans l’intérêt de la sécurité dans les mines, il ne serait pas indiqué de rappeler l’ordonnance de l’Inspection royale des mines de Katowice de 1891, tombée depuis longtemps dans l’oubli, qui stipule que :

« … en cas de tremblements de terre tectoniques, les conduites d’échappement de toutes les turbines et dynamos doivent toujours être systématiquement reliées aux puits d’aération de telle sorte que les gaz explosifs de la mine ne puissent pas atteindre le haut de la chambre de la lampe, même en cas de pression maximale ».

En publiant ce qui précède, je pense avoir apporter une petite contribution aux efforts incessants de nos autorités minières pour protéger la vie des mineurs, et je vous prie de bien vouloir accepter, Monsieur le Rédacteur, l’expression de ma plus sincère considération.


* « Parson-Turbine » dans le texte original au lieu de « Parsons-Turbine ». L’écriture est (probablement) simplement fautive car elle n’a pas beaucoup d’intérêt pour le canular (sauf à montrer que le rédacteur de corrige même pas l’orthographe des textes reçus par la Neue Freie Presse). Il s’agit en effet de l’ingénieur britannique Charles Parsons connu pour avoir inventé la première turbine à vapeur en 1884.



Facétieux Grubenhund 

L’article de Schütz, publié sans hésitation par la Neue Freie Presse, contenait un certain nombre d’absurdités évidentes pour un lecteur informé ou doté d’un peu d’attention et de bon sens. Une phrase clé, celle au contenu précisément le plus sensationnel, devait éveiller la méfiance :

Mais ce qui est totalement inexplicable, c’est le fait que mon chien [Grubenhund], qui dormait dans le laboratoire, donnait déjà signes visibles de grande agitation une demi-heure avant le début du tremblement de terre.

Le wagonnet servant au transport du minerai (Grubenwagen) était en effet aussi appelé « Grubenhund », littéralement « chien » (hund) de « mine » (gruben) », car son déplacement faisait un bruit ressemblant aux aboiements d’un chien. Cet usage est visiblement très ancien puisque le savant saxon Georg Bauer (1494-1555), dit Georgius Agricola, le relève dans De re metallica publié en 1556 (un an après sa mort) :

[parce qu’il] « produit un son semblable aux aboiements de certains chiens, ils [les mineurs] l’appellent « chien ».2
(Voir en fin d’article le dessin et la description complète par Agricola de cette « capsa » (« caisse ») minière, dont on trouve encore des exemplaires à la fin du XIXe siècle.)

Le terme allemand Grubenhund, d’un emploi très courant quand Schütz écrit son article, aurait dû alerter la rédaction de la Neue Freie Presse.

Un exemple analogue de ce genre d’expression familière serait l’emploi dans l’argot des mineurs des houillères du Nord de l’expression « cu d’feimme » (« cul de femme »)3 pour désigner un certain type de pelle très large. On imagine facilement l’effet qu’aurait eu la publication, dans les années 50, d’un article semblable dans Le Monde, où un ingénieur de l’École des Mines assurant avoir observé un phénomène inexplicable : « le tremblement des culs de femmes, juste avant un éboulement ou un coup de grisou ».

Deux pelles « cul de femme » à 5 et 7 « côtes » pour charger le charbon… dans un « chien de mine ». Collection Martial Ansart (https://mineurdefond.fr/fr–102-77-0)



Le Grubenhund, un type particulier de canular

Le canular de Arthur Schütz est devenu le modèle d’un genre qu’il a précisment théorisé sous le nom de « Grubenhund ». Schütz enrichira ensuite son éventail avec des roues de wagon ovales (pour amortir les chocs), du charbon ignifugé (dont Schütz dénonce l’emploi par les chemins de fer), un dégénérateur (l’inverse d’un générateur), une usine d’allumettes en paraffine, des engrenages soudés, des isolateurs en cuivre, et autres « innovations » qu’il rassemblera dans une anthologie Der Grubenhund, publiée la première fois en 19314. Il y explique que pour assurer le succès d’un Grubenhund, « le nom, le statut de l’expéditeur, la forme extérieure, le style, le sujet et surtout le ton de la voix, doivent être adaptés à la mentalité, à l’horizon et aux désirs de la rédaction choisie. » Ce qu’il appelle « l’effet éditorial ».

Les règles d’un bon Grubenhund

Le Grubenhund de Schütz (l’original de 1911) satisfait à la plupart des critères qui définiront le genre.

1. Éléments de crédibilité s’appuyant sur la réalité, les attentes et la mentalité de la cible visée 

  • des éléments réels et bien connus (l’Institut central de recherche des mines de charbon d’Ostrau-Karwin existait, tout comme le règlement de l’Inspection des Mines de Katowice) ;
  • la flatterie à l’égard de la rédaction (« votre journal très apprécié ») ;
  • l’appât d’une nouvelle d’importance (susceptible « d’attirer l’attention de la part de tous les milieux techniques, notamment miniers, même en dehors de notre pays ») ;
  • la révérence finale au rédacteur (« …et je vous prie de bien vouloir accepter, Monsieur le Rédacteur, l’expression de ma plus sincère considération. ») ;
  • l’utilisation d’un nom d’une qualité « qui en jette » ; dans le contexte de la société viennoise, un mixte de titre savant et d’ascendance aristocratique dont témoigne le patronyme (Erich Ritter von Winkler) ;
  • et surtout un vocabulaire et des assertions d’apparence scientifique avec la précision coutumière à ce genre de littérature (à 22h27 très exactement, compresseur, 400 chevaux, surchauffeur à vapeur, variation de tension, régulateur centrifuge, déviation de 0,4 %, 55 secondes, cylindre haute pression, dynamo, 4,7 atmosphères, turbine Parsons5)

2. Éléments absurdes, ironiquement insérés, qui doivent alerter un lecteur de bon sens

  • l’affirmation d’énormités ; ici la fameuse mention du Grubenhund-Chien qui se serait réveillé en proie à des agitations 15mn avant le tremblement de terre ;
  • un mixte de jargon et de charabia scientifique, évidemment incompréhensible pour le public (« violente déviation (0,4 pour cent) sur la rainure de clavette droite », déplacement du cylindre haute pression de la machine à dynamo ») et donc pour le journaliste lui-même, qui n’éprouve cependant aucune gêne à publier ce qu’il ne comprend pas ;
  • certaines descriptions, certes d’allures scientifiques, mais qui feraient sursauter tout lecteur ayant reçu une instruction du niveau du collège (« la tension dans le transformateur est tombée à 4,7 atmosphères » ; la tension qui n’est pas la pression s’exprime en volt !)

Particularités du Grubenhund

Le Grubenhund est ainsi devenu l’incarnation des attaques parodiques contre l’usurpation de l’autorité scientifique, le marchandage de ses titres, ou l’utilisation de titres frelatés (galactologue, sophrologue, morphologue, colapsologue et autres toutologues), l’utilisation d’un jargon hermétique d’allure scientifique. Il vise aussi la propension courante à croire à peu près n’importe quelle absurdité dès lors que « la science » ou de la « recherche » sont invoqués6.

Le terme Grubendhund a rencontré immédiatement un certain succès, à la fois par la référence au canular qui avait trompé la prestigieuse Neue Freie Presse mais aussi pour le jeu de mot : Grubenhund est en effet aussi le nom d’une race de chien connu pour l’attaque et son « mordant » : le PitBull (ou American Pitbull Terrier). Depuis le canular de Schütz, le Grubenhund désigne cet animal de plume qu’un éleveur facétieux envoie contre un journal qui, d’abord, n’y voit que du feu et l’accueille chaleureusement, avant que le Grubenhund ne le morde furieusement.

Du point de vue des espèces, le Pitbull (Grubenhund) est bien différent des « poissons d’avril » fabriqués par les journalistes pour amuser la galerie. D’abord, parce qu’il est écrit par un lecteur qui, excédé par la nullité et la malhonnêteté intellectuelle d’un journal (ou d’un journaliste), décide de la faire éclater au grand jour.

Ensuite, parce que, les farces du 1er avril relèvent du divertissement alors que le Grubenhund a une mission éducative : il ne fustige l’incompétence et l’ignorance des journalistes que pour mieux édifier le public et ruiner la croyance en l’autorité de la chose imprimée (à laquelle s’ajoute aujourd’hui l’autorité du « vu à la télévision » ou « lu sur Internet »). Le Grubenhund fait en effet œuvre de salubrité publique en révélant l’imposture de certains journaux et journalistes dominant la scène médiatique et se présentant ordinairement comme les garants d’une information rigoureuse, respectueuse des faits et vérifiée, comme les défenseurs d’une information honnête et vraie.

Le coup d’éclat d’Arthur Schütz et ses travaux ultérieurs ont consacré l’utilisation en langue allemande du terme Grubenhund pour déisgner les divers canulars, hoax et autres fake-news. Le terme est utilisé dans les articles savants, les écoles de journalisme, l’étude critique des médias et l’éducation aux médias.


Karl Kraus et Arthur Schütz

Karl Kraus publie dans son journal, Die Fackel (Le Flambeau), la lettre d’Arthur Schütz sous le titre Grubenhund7, non sans l’assortir d’un commentaire satirique la Neue Freie Presse. Et, sur le même ton, il se défend d’en être l’auteur :

Je jure que le Dr. Ing. Erich R. V, Winkler n’est pas de moi. Il est le fils de l’ingénieur civil Berdach de la rue de la Cloche [aus der Glockengasse]. Je ne pouvais pas l’empêcher de se reproduire. Mais Winkler est plus cruel que Berdach. Si Berdach fouettait la Neue Freie Presse avec des verges, Winkler la punit avec des scorpions.8

C’est qu’en effet Karl Kraus avait, le premier, trompé la Neue Freie Presse avec un canular du même genre. Le 21 février 1908, il lui avait envoyé une lettre signée d’un certain « Ingénieur civil J. Berdach » décrivant les observations étonnantes qu’il avait faites concernant un tremblement de terre qui venait de se produire Et dès le lendemain la Neue Frei Presse publiait la lettre :

J’étais en train de lire votre journal très estimé lorsque j’ai senti un tremblement dans ma main. Comme ce phénomène ne m’était que trop familier depuis mon long séjour en Bolivie, foyer bien connu des tremblements de terre, je me suis aussitôt précipité vers la boussole que j’ai depuis lors chez moi. Mon pressentiment se confirma, mais d’une manière très différente des observations de faits sismiques que j’avais faites en Bolivie. Alors qu’habituellement je voyais une déviation de l’aiguille vers l’Ouest-Sud-Ouest, cette fois-ci, une déviation vers le Sud-Sud-Est était perceptible sans aucune ambiguïté. Selon toute apparence, il s’agit d’un tremblement de terre dit tellurique (au sens strict), qui est essentiellement différent des tremblements de terre cosmiques (au sens large). La différence s’exprime déjà dans la variabilité de l’intensité de l’impression [Eindrucksdichtigkeit]. Dans ce type de tremblement de terre, il arrive que quelqu’un qui se trouve dans la pièce voisine ne remarque rien de ce qui se manifeste à nous de manière indéniable. Mes enfants, qui ne s’étaient pas encore endormis à ce moment-là, n’avaient rien remarqué, tandis que ma femme affirme avoir ressenti trois secousses.
Respectueusement, Ingénieur civil J. Berdach, Vienne, II. Glockengasse 17. (ma traduction)9

Kraus avait la preuve que le journal n’avait pas publié ce texte loufoque par inadvertance ou sans l’avoir lu. Les rédacteurs l’avaient été lu et corrigé à plusieurs endroits, transformant notamment les « secousses » (Stöße) quelque peu inconvenantes ressentis par la femme de Berdach en « chocs » (Erschütterungen) plus neutres.

Sept jours plus tard, dans la Fackel, Kraus révélait que « l’ingénieur civil Berdach » n’était autre que lui-même et exprimait sa « grande satisfaction » que la Neue Freie Presse qui avait interdiction de mentionner son nom et de le publier (sur ordre de Moritz Benedikt, le rédacteur en chef) l’avait enfin publié et « pris au sérieux en tant que géologue » sous le nom de Berdach, ingénieur civil,« à l’époque où [il] habitai[t] encore Glockengasse »10.


La postérité du Grubenhund

Sokal et « l’herméneutique transformative de la gravitation quantique »

À l’été 1996, Alan Sokal, professeur de physique à l’Université de New York, soumet un essai au titre prometteur « Transcender les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique » à la célèbre revue postmoderne Social Text. Jacques Bouveresse y voit l’exemple parfaitement réussi d’un Grubenhund dont la victime n’était pas cette fois « un quotidien, mais bel et bien une revue savante ».

Cet essai de 35 pages, avec ses 109 notes de bas de page et une bibliographie impressionnante d’Hunter Havelin Adams à Slavoj Žižek discutait d’idées comme celles-ci :

En termes mathématiques, l’observation de Derrida est reliée à l’invariance de l’équation einsteinienne du champ Gμν = 8πGTμν sous les difféomorphismes non linéaires de l’espace-temps (auto-applications de la variété d’espace-temps qui sont infiniment différentiables, mais pas nécessairement analytiques). L’essentiel est que ce groupe d’invariance « agit transitivement » : cela signifie que tout point d’espace-temps, si du moins il existe, peut être transformé en tout autre points. De cette façon, le groupe d’invariance de dimension infinie érode la distinction entre observateur et observé ; le π d’Euclide et le G de Newton que l’on croyait jadis constants et universels, sont maintenant perçus dans leur inéluctable historicité ; et l’observateur putatif devient fatalement dé-centré, disconnecté de tout lien épistémique à un point de l’espace-temps qui ne peut plus être défini par la géométrie seule.11

Qui oserait contredire un tel raisonnement ? Qui oserait prétendre qu’il n’a aucun sens ? En tout cas, pas les éditeurs de Social Text.

Le canular de Sokal répond aux règles du genre :

  • envoyer un texte en phase avec l’idéologie d’une revue qui devrait pour cette raison l’acceptera probablement sans critique
  • user de l’autorité que confère un titre ou une qualité (ici physicien l’Université de New York)
  • écrire dans un style saturé de vocabulaire scientifique
  • accompagner l’ensemble d’un impressionnant appareil de notes de bas de page, mêlant des citations authentiques provenant des autorités reconnues par Social Text, et de commentaires faux mais flatteur
  • dévoiler rapidement la supercherie pour ridiculiser les rédacteurs de ces revues, en mettant en évidence leur peu de souci de la vérité.

Ce Grubenhund est proche de ceux de Shütz et de Kraus : il dénonce les effets de la mode dans le domaine intellectuel. Mais il s’en distingue sur quelques points :

  • il montre que le non-sens et l’obscurantisme règne aussi là où on s’y attendrait le moins, à savoir à l’Université
  • il vise l’utilisation abusive de concepts scientifiques en philosophie, dans certaines branches des sciences sociales, dans les études culturelles plus généralement, par des auteurs qui n’en maîtrisent pas le contenu
  • il s’attaque enfin au style postmoderne, mélange aventureux de spéculations philosophiques, de physique quantique, d’astrophysique et de sagesse extrême-orientale, que l’on retrouve par exemple chez Isabelle Stenghers (et, ajouterai-je, dont le livre du physicien Fritjof Capra, Le Temps du Changement est le précurseur).

En visant ce genre littérature Sokal pouvait à la fois s’appuyer sur les termes techniques des sciences de la nature - incompréhensibles au profane, mais aussi sur le jargon hermétique de certains auteurs postmodernes, afin de créer cet écrit scientifiquement et académiquement « étincelant » comme dit Schütz, qui conserve le charme mystérieux des incantations de la messe en latin, auxquelles les fidèles adhèrent même sans vraiment en comprendre le sens.


Science mondanisée et bullshit

Gourous, escrocs ou intellos, quiconque veut aujourd’hui présenter un argument particulièrement convaincant dans le discours public a intérêt à parler de physique quantique.

Bullshit ordinaire : le quantique en force

Bullshit signifie littéralement « merde de taureau », un peu comme dans l’expression française « mais c’est de la merde ! » qui conserve l’image mais est vraiment grossière ; on parlera donc plutôt de « connerie » (c’est encore grossier mais plus précis), ou mieux de « foutaise », ou encore baratin.
On appelle bullshiter le producteur (régulier) de bullshits et bullshitologie l’étude savante de ces cacas que sont bullshits. Le Grubenhund était une réponse satirique aux bullshits publiés par la Nieue Freie Presse.

Dans son attaque du Bullshit académique, Sokal visait la propension d’un certain nombre d’intellectuels et de philosophes à mobiliser les sciences les plus ardues pour mystifier le lecteur, produire des effets d’autorité et de croyance. La nébuleuse des alter-, para- et pseudo-sciences s’appuient souvent aujourd’hui la « science quantique » [sic]. Les très à la mode « sauts quantiques » sont censés produire des « changements énormes » et « immédiats » dans nos vies, et plus précisément dans tout et n’importe quoi12 (même s’ils se produisent à l’échelle de l’électron qui doit sûrement toucher à l’âme).

On doit à l’américano-indien Deepak Chopra, spécialiste en « spiritualité » et « médecine alternative », l’invention déjà ancienne de la « médecine quantique ». Ce grand bullshiter inonde l’ex-Twitter de conneries pseudo-scientifiques si nombreuses, qu’un esprit farceur a décidé d’en démocratiser la production en créant l’un des premiers générateurs de bullshits, qui produit des énoncés syntaxiquement corrects mais privés de sens, et cela uniquement à partir de citations de D. Chopra (http://wisdomofchopra.com/ )13. Les bullshits de Chopra ont permis d’enrichir la bullshitologie : 5 chercheurs ont conduit plusieurs études pour comprendre les facteurs favorisant l’acceptation de croyances épistémiquement suspectes, en se servant notamment de ses citations (On the reception and detection of pseudo-profound bullshit. Judgment and Decision Making14).
Un résultat intéressant de l’enquête est que les personnes interrogées sont le plus souvent incapables de distinguer les citations issues du fil Twitter de Chopra de celles issues du générateur à citations, tout comme les rédacteurs de Social Text ont été incapables de distinguer le texte de Sokal de ceux qu’ils avaient l’habitude de publier15. Je rapproche ces observations car je crois que les raisons qui font que des personnes produisent ou avalent les bullshits ordinaires ne sont pas fondamentalement différentes de raisons de celles qui font des universitaires produisent ou avalent les bullshits.

Pour en revenir au bullshit quantique ordinaire, mentionnons la « médiation quantique » (très en vogue et souvent associée à la « méditation pleine conscience »). La référence quantique est également devenue incontournable chez les gourous du développement personnel16 ; de nombreux « coachs de vie » propose à leurs clients de les aider à faire un « saut quantique », censé permet d’ « évoluer rapidement en tant que personne », de « libérer et d’exploiter tout son potentiel », etc.

En 2020, une nouvelle « science » est apparue : l’AromaQuantisme d’une certaine « Orélie »17, détentrice d’un master en « thérapie quantique » (elle se réfère même à Niels Bohr !). Ses podcasts sont prometteurs :

  • « Qu’est-ce que la biologie quantique ? Expliqué simplement »
  • « Qu’est-ce que la thérapie quantique ? Explications simples et concrètes »
  • « Le rôle des fractales en thérapie quantique : de la définition à la mise en pratique »
  • « Ondes alpha : cinq astuces pour contrôler tes ondes cérébrales »
  • « Comment aligner ta conscience et ton subconscient grâce aux ondes cérébrales ? »
  • « Réinitialise ton cerveau grâce à l’essence de bergamote (démonstration) »
  • « Si manière d’apprendre sans étudier (la cinquième va te surprendre) »

Le bullshit mondain, intello et philosophe : le quantique encore

Le monde intellectuel n’échappe pas aux phénomènes de mode. Si la référence à Marx ou Freud était autrefois suffisante pour assurer un certain prestige social dans les conversations ou en philosophie, il faut reconnaître que Jacques Derrida, Bruno Latour, et Régis Debray ont sérieusement élevé le niveau scientifique. Maintenant, il faut s’appuyer sur Einstein, Heisenberg et Gödel.

Cela ne signifie pas que l’on discute de ces choses arides qu’on apprend péniblement à l’école : la géométrie d’Euclide, l’analyse algébrique, le cycle de Krebs, ou la manière d’obtenir l’équation horaire d’un mouvement de chute libre verticale grâce aux deux premières lois de de Newton. Non, tout cela est ennuyeux, trop vieux et trop « connu ». Dans une conférence, une soirée mondaine, une discussion entre philosophes, ou même un cours de philo, il faut aborder des choses plus sophistiquées : les subtilités de la topologie, la théorie du chaos, la théorie des cordes et bien sûr la physique quantique.

Bien entendu, personne n’a la moindre idée de ce dont il est réllement question puisqu’il faut bien reconnaître, qu’avec nos connaissances, nous peinons déjà à comprendre quelques techniques préhistoriques, que la compréhension des mathématiques ou de l’architecture antiques dépasse nos compétences, que celle de la métallurgie et des horloges astronomiques médiévales semble presque inaccessible ; quant à comprendre la Turbine de Parsons évoquée par Schütz dans son Grubenhund de 1911, les difficultés sont insurmontables (notre connaissance étant très loin du niveau qui est celui de la physique du milieu du XIXe).

Mais cela n’a aucune importance. Les trous noirs s’invitent dans les discussions, le chat de Schrödinger s’y faufile avant de disparaître, sans laisser derrière lui la moindre trace de compréhension, l’un des jumeaux d’Einstein, Paul, s’obstine à ne pas vieillir (tant qu’il voyage à la vitesse de la lumière), et même si des « trous de ver » sont creusés dans l’univers, c’est un fait que les flèches du temps ne se croisent pas ; c’est même pour cela que Cooper, le héros d’Interstellar, après s’être sacrifié en sautant dans un trou noir, a pu retrouver sa fille (précisément en passant par un trou de ver), sauf qu’à l’arrivée la fille était franchement plus vieille que son père, et même carrément à l’agonie. Le « principe d’incertitude » ne déclenche aucun malaise existentiel (pas même une légère nausée sartrienne devant la contingence), car au fond nous avons toujours su (d’un savoir autre) que tout est chaotique et indéterminé, qu’un battement d’aile de paillon au Brésil peut déclencher un cyclone à Haïti mais que la liberté est sauve, et qu’il y a même peut-être une place pour Dieu car il « ne joue pas aux dés » (Einstein). Une merveilleuse physique spéculative s’est ainis établie sur le marché des idéologies, qui satisfait nos aspirations métaphysiques, « notre » besoin de mystères, de « spiritualité » et même de « Transcendance ».18

Le bullshit scientifique, effet paradoxal de la démocratisation du savoir ?

Le succès des canulars scientifiques et des foutaises pseudo-scientifiques, ordinaires comme savantes, révèle un sérieux problème. D’un côté, l’accès à la science semble se démocratiser. De fait, le niveau moyen d’instruction s’est considérablement élevé en un siècle ; et l’intégration des éléments scientifiques dans la communication quotidienne est un signe de cette démocratisation. Mais d’un autre côté, personne en dehors des spécialistes ne comprend vraiment la pointe des sciences physiques (celle qui suscitent le plus de curiosité). Or, c’est précisément cette situation qui favorise les abus de pouvoirs fondés sur l’esbrouffe.

Les scientifiques peuvent-être tentés d’abuser de leur autorité puisque, au bout d’un moment, il faut bien s’en remettre à eux. Si je crois à la réalité du réchauffement climatique c’est parce que je pense que j’ai des raisons solides de me fier aux scientifiques qui nous disent que c’est le cas (mais je n’ai aucune idée des modèles statistiques sur lesquels reposent les démonstrations). Et quand Sokal assure que tels passages de Deleuze ou Derrida sur la physique quantique ou la relativité sont vraiment grotesques, je crois Sokal et je crois raisonnable de le croire : après tout c’est lui le spécialiste. Je le crois donc pour ainsi dire sur parole, ce qui revient à fonder ma croyance sur un argument d’autorité puisque de toutes les façons je n’ai pas assez de de connaissance du sujet pour me poser en arbitre dans ce débat. Je dis que c’est raisonnable parce que la communauté scientifique est l’une des mieux régulée, que les risques d’usurpation ou de mystification quant au contenu sont très limités et que lorsqu’il s’en produit elles ne tardent jamais à être repérées. Enfin, aucun physicien ni aucun mathématicien n’a défendu la solidité et la validité des affirmations Deleuze ou de Derrida moquées par Sokal dans les Impostures intellectuelles.

Le bullshit scientifique est donc plutôt une spécialité des non-scientifiques qui utilisent la « science » pour asseoir leur réputation et leur pouvoir dans le champ intellectuel. Et c’est ce que vise un Grubenhund comme celui de Sokal.
Mais un problème demeure : la démocratisation de la science bute sur sa complexité croissante. Nous sommes à la fois plus instruits et, paradoxalement, plus exposés pour cette même raison à recevoir des foutaises scientifiques et à en produire, avec l’intime conviction d’être dans le vrai. Ce problème renvoie à deux questions complémentaires :

  1. celle de la place, aujourd’hui manifestement insuffisante, de la culture générale de type scientifique et technique à l’école, mais aussi à l’université, en particulier dans les cursus non-scientifiques (depuis 1968 les candidats à l’agrégation de philosophie n’ont plus à passer un certificat de spécialisation scientifique), et de façon plus générale encore, à la question de la division du travail à l’Université elle-même (la question de la culture littéraire et de la culture philosophique des scientifiques se posant de la même façon)

  2. celle d’une vulgarisation scientifique — au meilleur sens du terme — qui permette l’accès du profane à un corpus de connaissances étendu et moderne, et à des notions exigeant ordinairement la maîtrise d’un haut degré d’abstraction (et donc à la difficulté de trouver de bons vulgarisateurs)19.


La description du « chien » de mine d’Agricola

Illustration du chien de mine tirée du De Re Metallica (1556)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2100086m/f57.item

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2100086m/f57.item



Description du chien de mine dans le De Re Metallica

Agricola a donné une description du chariot en bois utilisé par les mineurs au XVIe siècle, dans le sixième des douze livres de sa somme sur la métallurgie et l’exploitation minière, le De Re Metallica de 1556. On y apprend que, déjà à son époque, cette « caisse » montée sur deux rouleaux de bois était « chien » à cause du son rendu par le grincement de ses roues :

La caisse ouverte a une capacité deux fois moins grande qu’une brouette : elle a environ quatre pieds de long et environ deux pieds et demi de largeur et de hauteur ; et parce qu’elle est de forme rectangulaire, elle est tenue par trois bandes rectangulaire de fer, et en plus de celles-ci, il y a des bandes de fer sur tous les côtés. Deux axes de fer sont fixés sur son fond, autour desquels tournent de chaque côté des orbicules en bois : qui sont fixés, de peur qu’ils ne tombent des axes immobiles, avec de petits clous de fer. Une grosse pointe émoussée fixée en bas pour que la caisse ne sorte pas de la voie tracée. En mettant ses mains sur la partie arrière, le transporteur pousse la caisse chargée des déblais, et la repousse à vide. Parce que lorsqu’elle est déplacée, elle produit un son semblable aux aboiements de certains chiens, il l’appellent « chien ». Cette caisse est utilisée pour sortir des charges de tunnels les plus longs, à la fois parce et qu’elle est plus facile à déplacer et parce que l’on peut y mettre une charge plus lourde.(ma traduction)20

Le « chien » de mine circulait sur une voie de roulage constituée de deux planches légèrement espacées. La « grosse pointe émoussée » fixée sous la caisse dont parle Agricola était une sorte d’ergot venant se loger dans l’espace entre les planches qui permettait ainsi de le guider. Ce genre de chariot ou wagonnet est appelé « berline » dans le langage minier français.

Illustration d’une mine avec chien de mine tirée du De Re Metallica (1556)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2100086m/f33.item

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2100086m/f33.item



Photo d’un chariot de mine des Hautes-Mynes du Thillot

Ce chariot est très proche de celui décrit par Agricola. On aperçoit l’ergot de guidage entre les deux planches.

Photo des Hautes-Mynes du Thillot (https://www.hautesmynes.com/)

Photo des Hautes-Mynes du Thillot (https://www.hautesmynes.com/)



Les galeries de la Mine Saint-Nicolas, Heinrich Groff (1530)

Vers 1530, Heinrich Groff (ou Gross), peintre alsacien, illustre avec beaucoup de précision les différentes activités de la mine d’argent de la Croix aux Mines dans un recueil de dessins à l’encre noire et rehaussés à l’aquarelle sur une commande du Duc Antoine de Lorraine. Les wagonnets dessinés sont assez semblables à ceux d’Agricola : la forme de la caisse est légèrement différente mais la fabrication est la même ; le guidage par ergot sur voie de roulage faite de deux planches est identique.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10217568w

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10217568w



Détail : acheminement du wagonnet jusqu’au puits.


Détail : même opération dans une galerie supérieure.


Lavage et cassage du minerai

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10217569b

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10217569b



Détail « Chareurs de mine hors de la montaigne »


Détail « Rompeurs de grosse myne » (concassage)


Photo d’un « chien » de mine et ses rails datant de 1550

Deutsches Technikmuseum Berlin ; Wikimedia Commons (https://berlin.museum-digital.de/object/9100).

Deutsches Technikmuseum Berlin ; Wikimedia Commons (https://berlin.museum-digital.de/object/9100).



Un wagonnet et ses rails en bois datant des années 1550 ont été découverts en 1889 la « Mine des Apôtres » (« Apostelgrube ») à Brad en Transylvanie, mine d’or alors hongroise et aujourd’hui en Roumanie (depuis 1918). Le wagonnet est construit à partir de planches grossièrement taillées et de planches fixées avec des clous en fer. Les essieux sont également en fer et les rouleaux en bois. Les rails et les traverses sont aussi en bois et de forme cylindrique. Le wagonnet (ou « berline ») a une longueur de 2 m, un poids de 100 kg ; il est conçu pour une largeur de voie d’environ 48 cm.

La technique de roulage et guidage est différente décrite par Agricola, ici on des « rails », le guidage est assuré par la forme des rouleaux (un assemblage par une sorte de double cône) sur rail ; la caisse est moins sophistiquée Agricola (absence cerclage de fer pour le maintien de la caisse).

Notes


  1. L’article original de Schütz est publié par Karl Kraus dans Die Fackel du 23 novembre 1911 sous le titre Grubenhund pages 5-6 (accessible en ligne sur archive.org ici) et dans son recueil d’essais (disponible sur archive.org) Untergang der Welt durch schwarze Magie, ed. Druck von Jahoda & Siefel, Wien, 1922, page 141-142. La bibliothèque de Vienne permet l’accès en ligne à l’épreuve de correction la première rédaction corrigée par Kraus. ↩︎

  2. Georgius Agricola, De Re Metallica, ed. H. Froben et N. Episcopius (Bâle), 1561, p. 113 : « Quoniam uerò cùm mouetur, sonum efficit, qui nonnullis uius canum latratui similis, canem uocarunt. » ↩︎

  3. Cf. Béatrice Turpin, « Le jargon, figure du multiple », La linguistique, 2002/1 (Vol. 38), p. 53-68. ↩︎

  4. Arthur Schütz, Der Grubenhund. Eine Kultursatire, Jahoda & Siegel, Wien 1931 ↩︎

  5. Tous ces termes correspondent à des éléments des turbines à valeur qui, couplées avec une dynamo, permettent de produire du courant, l’ensemble formant une sorte de groupe électrogène. Les turbines dites Parson (ou Brown-Boveri-Parsons) portent le nom de leur inventeur. Pour une description technique cf. La Houille Blanche, n°4, août 1902, pp. 83-86 pp. 83-86, accessible sur le site de la Houille Blanche et en pdf sur le même site ; les turbines Parsons étant très utilisées en Marine (où Parsons avait démontrer leur efficacité) – elle propulseront les plus grands paquebots et les navires de guerre, on en trouve une excellente description dans la traduction française d’un livre de l’anglais John William Sothern (The Marine Steam Turbine) disponible sur Gallica, Les turbines à vapeur marines, trad. et adapté d’après la 2e édition anglaise par J. Izart, éd. H. Dunod et E. Pinat, 1908. ↩︎

  6. L’effet d’autorité que produit l’invocation de « la science » ou de la « recherche » se manifeste aussi à l’Université. Pour ma part, j’ai toujours été très frappé l’utilisation abusive de phrases aux allures définitives comme « La recherche a montré que… », dans le champ des sciences sociales et des sciences de l’éducation ; ou, pour être plus précis, dans certains cours et écrits dispensés à leurs étudiants par des « enseignantes-chercheuses » et des « enseignants-chercheurs ». Effet d’autorité qui se double le plus souvent d’une avalanche de références érudites à quantité de livres et d’études, mais toujours parfaitement vagues, sans jamais aucune référence précise à un passage précis ou une page déterminée ; comme si le contenu de ces livres et études n’était connu que par ouïe dire. Et je retrouvai bien évidemment ce travers dans les travaux des étudiants ayant bénéficié de ce genre d’exemple et de formation intellectuelle. ↩︎

  7. Karl Kraus, « Grubenhund, Die Fackel, 23 novembre 1911, pages 5-9. ↩︎

  8. Ibid., page 6-7 : «Ich schwöre, daß der Dr. Ing. Erich R. V, Winkler nicht von mir ist. Er ist ein Sohn des Zivilingenieurs Berdach aus der Olockengasse. Ich konnte es nicht verhindern, daß sich dieser fortpflanze. Aber Winkler ist grausamer als Berdach. Hat Berdach die Neue Freie Presse mit Ruten gepeitscht, so züchtigt Winkler sie mit Skorpionen ».  ↩︎

  9. Karl Kraus, « Das Erdbeben », Die Fackel, 28 février 1908, p. 21-22, disponible sur archive.org. ↩︎

  10. Ibid., page 22. ↩︎

  11. Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Odile Jacob, « Hors collection », 1997, pages 222-223. ↩︎

  12. Une recherche via Google (Youtube et Tijk-tok) avec l’expression « saut quantique » (ou mieux « quantum jumping ») donne immédiatement accès à des milliers de pages et d’articles farfelus destinés à escroquer le gogo, le public féminin étant le premier visé. ↩︎

  13. Pour ceux que cela amuse, je signale aussi le site à baratin New-Age. Pour ces deux sites, il est possible d’utiliser la fonction traduire de Google (même si le résultat est aléatoire) : générer en francais ici le baratin Chopra et c’est ici pour le baratinNew-Age↩︎

  14. Disponible en français : Pennycook, Cheyne, Barr, Koelher, Fugelsang, avec Craig Dalton, De la réception et détection du baratin pseudo-profond, Zones sensibles. Original : Pennycook G, Allan Cheyne J, Barr N, Koehler DJ, Fugelsang JA. On the reception and detection of pseudo-profound bullshit.Judgment and Decision Making, 2015,10(6), pages549-563. ↩︎

  15. De même les rédacteurs des Badiou Studies ont été incapables de distinguer le texte-canular d’Anouk Barberousse et Philippe Huneman de la prose ordinaire de Badiou et de ses adpetes. Le texte « Ontology, Neutrality and the Strive for (non-)Being-Queer », signé par une certaine Benedetta Tripodi, a été publié dans les Badiou Studies, vol. 4, n° 1, 2015, p. 72-102. ; cf. Anouk Barberousse, Philippe Huneman, « L’agriculture (bio) et l’événement. Retour sur un canular métaphysique », Zilsel, 2017/1 (N° 1), p. 159-186. Cf. aussi sur le site Zilsel, la révélation du canular le 1er avril 2013 : Un « philosophe français » label rouge. Relecture tripodienne d’Alain Badiou et L’ontologie badiousienne parodiée par Benedetta Tripodi ou ce qu’il fallait démonter↩︎

  16. Voir l’article de Marianne (oui je sais, mais bon…) « Le “saut quantique”, l’arnaque à la mode des gourous du développement personnel » ↩︎

  17. Sur tout cela, cf. mon focus sur le Bullshit Quantique. ↩︎

  18. Toute cette tirade est pastiche d’un essai autrement brillant (même si je n’en partage qu’à moitié la conclusion) de Ernst Strouhal, paru dans Claudia Geringer et Ernst Strouhal, Die Phantome des Ingenieur Berdach : Medienkritik und, Satire, Edition Konturen, 2023 (cf. le chapitre VI « Sokal – Bebell im falsche Stollen »). J’ai découvert à cette occasion un grand éleveur de Grubenhunde, Alan Abel, créateur de la SINA - Society for Indecency to Naked Animals, qui milite pour que soit reconnu « l’indécence des animaux nus » et exige avec véhémence que tous les animaux de compagnie soit habillés du chat à la vache (Abel propose divers types de vêtements et « culottes » à mettre sur le postérieur). La croyance à ce Hoax tiendra tout de même quatre années durant lesquelles l’activité de la SINA sera largement couverte par les médias (Abel ayant même embauché un acteur pour jouer au président de la SINA dans les studios de radio et sur les plateaux de télévision). ↩︎

  19. Sur ces deux questions, l’éducation scientifique du profane et les missions de l’Université dans un contexte de d’ignorance réciproque des « deux cultures » [littéraire et scientifique] pour reprendre l’expression de Charles Percy Snow, cf. Jacques Bouveresse, « Helmholtz : la philosophie, le problème des deux cultures et l’importance de l’éducation du public profane » , Philosophia Scientiæ, 9-1, 2005, pages 49-57 ; et Jacques Bouveresse « L’Université dans le monde d’aujourd’hui », Conférence donnée à l’Université de Genève le 16 juin 2000, dans laquelle fait observer que « le problème est qu’il ne faut pas seulement lutter contre les dangers de la spécialisation excessive, mais également, surtout quand on est philosophe, contre les illusions, au moins aussi néfastes, de l’universalité trop vite et trop facilement réalisée, par des moyens qui sont et restent essentiellement ceux de la rhétorique. » ↩︎

  20. Georgius Agricola, De Re Metallica, ed. H. Froben et N. Episcopius (Bâle), 1561, p. 113 : « Capsa autem patens dimidio capacior est quàm cisium: longa ferè pedes quatuor, lata & alta circiter pedes duos & dimidium: sed quia ei figura est quadrangula, tribus laminis quadrangulis uincitur ferreis : & præter eos undique bacillis ferreis munitur : ad ipsius fundum duo axiculi ferrei sunt affixi, circum quorum capitula utrinque orbiculi lignei uerſantur: qui, ne ex axiculis immobilibus decidant, paruis clauis ferreis cauetur : ut magno illo obtuso ad idem fundum affixo, ne à trita uia, hoc est cauo trabium aberrent. Eam capsam uector ipsius partem posteriorem manibus tenens & protrudens euehit onustam rebus fossilibus, uacuam reuehit. Quoniam uerò cùm mouetur, sonum efficit, qui nonnullis uius canum latratui similis, canem uocarunt. Hac capsa utuntur si quando ex longissimis cuniculis onera euehunt, & quòd moueatur facilius, & quòd grauius onus ipsi possit imponi. » ↩︎